
Brave Gent del Pais ! est un projet photographique débuté en 2006 qui prend son origine dans un constat tragique : chaque personne qui meurt emporte avec elle un patrimoine humain inestimable. Il s'agissait donc au départ, dans la communauté villageoise que j'intégrais, d'enregistrer et de fixer cette richesse qui disparaissait au fil des enterrements. Une ambition bien présomptueuse, en fait, qui s'est très vite révélée être complètement irréalisable.
Pourtant, à mesure que je photographiais ces femmes et ces hommes chez eux, sur leur lieu de travail, dans leur environnement, il s'est créée une relation nouvelle faite de respect et de confiance. Ainsi, très rapidement, mon travail s'est subtilement transformé : il ne consistait plus à retenir ce qui allait disparaître mais bien à montrer l'instant, à décrire le vivant.
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Ma vanité serait que ces images soient les témoins, en ce début de XXIème siècle, d'un mode de vie un peu décalé, d'un savoir-être ensemble particulier et qu'à travers ces moments, ces rencontres, ces sourires et ces regards, ces images soient le portrait d'une communauté villageoise décrite par l'ensemble de ses individualités.





Le village, depuis le quartier de Puig-Sec


Crépuscule dans le quartier du Bilbé


Le village, en hiver


Le clocher de l'église et la Mairie

Le château du Crémadells

La redoute


Il suffit de gravir les sommets environnants (ici, le Mont Capell) pour voir s'étaler jusqu'à la Méditerranée cette grande plaine sur le territoire espagnol

Le Conjurador

Au pied des tours de Cabrenç, la sentinelle porte loin son regard


Située dans la région de la Garrotxe, en territoire espagnol, cette petite chapelle est un lieu de pèlerinage pour les Laurentins depuis le Moyen-Age
Dans la vallée...
Vallis Asperii. L'étymologie ne ment pas. Le Vallespir est une "vallée âpre" qui ne se donne pas facilement. Tout ici se mérite, surtout sur les hauteurs, dans ce que l'on appelle le "Haut-Vallespir". Saint Laurent de Cerdans ne déroge pas. Il ne faut pas se méprendre, son aspect pittoresque cache une rudesse qui met à mal beaucoup d'âmes mal préparées. C'est un pays taillé à la serpe, sauvage et rugueux, bourru. Et les hommes qui vivent ici ressemblent à leur pays.
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Il n’existe pas deux solutions pour comprendre ce village. Il faut être là pour apprécier la forêt qui s'embrase en octobre et brûle les dernières heures de la belle saison. Il faut sentir le vent glacial planter ses crocs acérés dans les maisons fermées et recouvrir les toits fumants d'une brume algide. Il faut se déchaîner, quitter sa réserve et libérer sa folie durant le carnaval. Il faut savoir apprécier le retour des tendres pousses qui pointent sous la gelée d'avril. Il faut retenir sur sa peau les rayons du soleil des premières belles journées de l'été. Il faut tenir jusqu'au bout, les bras tendus vers le ciel et les mains serrées dans les mains de ses voisins, liés dans la ronde d'une sardane, les yeux levés vers le Bassegoda. Il faut être là pour comprendre ce village, il faut l'expérimenter, passer une année dans ses murs. Alors, cette vallée cesse d'être âpre. Ici, Les gens qui vivent dans ce pays l'appellent Vallée Verte.
Une culture en résistance




Les semaines qui précèdent carnaval, tout le monde s'active pour préparer ce moment fort de l'année. Ici, James met la dernière touche au "Char de la Clique" qui sera présenté pour la cavalcade.

Isabelle se prépare pour la soirée

Les festivités de carnaval se déroulent selon un rite immuable. Le vendredi soir, les villageois montent sur scène et proposent un spectacle débridé ou l'à -peu-près est souvent de la partie. Ici, Jean nous fait dans le Polnareff.

Pour Carine, la pression gagne avant de monter sur scène.

Prestation des Danseurs Catalans

Le club de gym propose un numéro dansant

Pendant les festivités de carnaval, les plus jeunes sont initiés aux bonnes pratiques.

Baptiste

Can Co

Els Tirons

Marc

Pause à la salle de l'Avenir
Quand on parle de folklore aujourd'hui, on pense immédiatement à de riches et beaux costumes anciens, à des coutumes qui ne sont plus pratiquées par personnes, à des pratiques oubliées d'autant plus conservées par quelques initiés quelles sont complètement inadaptées à nos sociétés.
Ce folklore-là n'existe pas en Haut-Vallespir. Dans ce pays de peu, d'économie permanente, il n'y a pas de place pour la fioriture et le superflu, Tout est fait par besoin, tout a une fonction.
Les fêtes et traditions populaires sont indispensables à la survivance de la communauté villageoise telle qu'elle existe aujourd'hui. Dans notre monde globalisé, les modes de vie tendent à s'uniformiser et la permanence de pratiques anciennes crée un décalage culturel auquel les habitants de ce pays sont attachés. Il ne s'agit pas de chercher à se différencier, à cultiver une singularité identitaire. Il s'agit simplement d'adopter un mode de vie adapté à la situation du village, un mode de vie qui colle aux besoins et aux aspirations de cette micro-société, un mode de vie qui s'inscrit dans la tradition des anciens mais qui sait évoluer et donner la place qu'il faut à la modernité.
Les fêtes et traditions populaires participent de cette singularité. Elles permettent à la communauté villageoise de se rassembler autour d'invariants qui lui donnent une voie à suivre, un cap à maintenir quelles que soient les influences extérieures et garantissent ainsi la pérennité de la communauté.
Le Haut-Vallespir résiste, encore et toujours.
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